vendredi 26 décembre 2008

Sables bitumineux et projet Trailbreaker

Une fois de temps à autre, nous entendons parler de l'Alberta et de ses sables bitumineux. La région de l'Athabasca en Alberta possède 3500 km carrés de sables bitumineux enfouis dans les sols de la forêt boréale. Roue importante faisant tourner l'économie de cette province, les albertains sont loin d'abandonner l'exploitation des sables bitumineux. Elle fait partie de leur identité au même titre que le Stampede de Calgary et le boeuf AAA qu'ils produisent.

Cet automne, le projet Trailbreaker a été annoncé par la compagnie Enbridge. Il s'agit en fait d'un projet de réaménagement d'un grand pipeline partant de l'Illinois, traversant l'Ontario et se terminant à Montréal. Ce pipeline servirait à acheminer du pétrole lourd (non-raffiné) issu des sables bitumineux albertains à Montréal. La compagnie estime que le pipeline acheminerait environ 200 000 barils de pétrole brut par jour. Présentement, le pipeline fonctionne en sens inverse et achemine le pétrole vers l'Ouest canadien. Le hic dans ce projet, ce n'est pas le pipeline en tant que tel. Il a déjà été construit et des modification mineures sont nécessaires afin de renverser l'approvisionnement. En fait, en en soutenant un tel projet, on renforcera notre dépendance envers le pétrole et on soutiendra l'exploitation des sables bitumineux en Alberta.

L'exploitation de sables bitumineux est, à mon avis, une sale affaire. Premièrement, ces sables sont situés à la surface et les gisements sont exploités par des mines à ciel ouvert. Comme mentionné précédemment, les sables bitumineux se retrouvent majoritairement dans les sols de la forêt boréale albertaine. Pour plusieurs gisements actuellement exploités, les compagnies ont rasé de grandes zones boisées afin de pouvoir créer leurs mines. Plusieurs zones marécageuses entourent également les gisements. Elles sont également rasées afin de permettre l'exploitation des sites.

Théoriquement, les compagnies devront, à la fin de leur période d'exploitation, remettre le terrain en état. Toutefois, comme vous le constaterez, ce sera un défi de taille. Plusieurs études qui ont suivi les sites réaménagés sur une période de 4 à 30 ans ont démontré que la population de plantes présente sur le site présente peu de similitude à la population initiale pré-exploitation. La plupart des arbustes initialement présents ne pouvaient se rétablir dans la zone réaménagée, en particulier à cause de la compétition avec des espèces de plantes qui étaient absentes de la population initiale. Non seulement il est impossible de restaurer la biodiversité initiale du site, mais l'extraction des sables contamine l'eau, qui est ensuite conservée dans des étangs.

Contrairement au pétrole extrait de nappes souterraines, le bitume obtenu des sables bitumineux doit être séparé du sable. Plusieurs procédés d'extraction sont disponible; toutefois, les compagnies canadiennes préfèrent l'extraction par la vapeur d'eau. Au cours de ce procédé, les sables bitumineux passent dans un tambour rotatif où ils sont mis en contact avec de l'eau chaude et de la vapeur. Le bitume se retrouve à la surface du liquide et peut être isolé. Quant aux rejets de ce procédé, les lois fédérales interdisent de les rejeter dans les rivières ou autres sources d'eau courante. Ils sont donc entreposés dans des bassins ou lacs.

À l'heure actuelle, les bassins et lacs contenant les rejets issus du procédé de séparation couvrent en Alberta une superficie de plus de 130 km carrés. Ces eaux usées contiennent du sable, des sédiments (argile et limon), des composés phénoliques, des acides naphténiques, de l'ammoniaque-ammonium et divers métaux, tels le zinc, le cuivre et le fer. Il va sans dire que des résidus de bitume se retrouvent aussi dans les eaux usées. La sécurité de tels bassins n'a pas encore été démontrée à long terme. Il serait possible que l'eau des bassins puisse s'infiltrer dans le sol et contaminer soit les nappes phréatiques, soit le sol environnant. Les toxines présentes dans les rejets pourraient donc contaminer l'environnement. De plus, comme il est fréquemment coutume dans l'industrie minière, des lacs entiers servent de réservoirs aux résidus miniers et aux rejets issus de la production de sables bitumineux. Cette fois, c'est tout un écosystème aquatique qui est affecté par de telles pratiques.

L'exploitation des sables bitumineux consomme beaucoup d'énergie et est extrêmement polluante. À chaque jour, quelques 600 000 millions de pieds cube de gaz naturel sont utilisés. Cette quantité serait suffisante pour chauffer 3 millions de maisons! De plus, la production d'un baril de pétrole brut issu des sables bitumineux génère 3 fois plus de gaz à effet de serre que la production d'un baril traditionnel. Et c'est sans compter les GES qui seront produits afin de raffiner le pétrole et lorsque le pétrole sera brûlé. D'ailleurs, l'exploitation des sables bitumineux a été identifiée comme étant la source principale de l'augmentation de la production de gaz à effet de serre au Canada. Après tout, elle est responsable de la production de 40 millions de tonnes de CO2 par an!

Finalement, il a été récemment démontré que l'exploitation des sables bitumineux a un impact négatif sur la faune des régions exploitées. Les oiseaux aquatiques et de rivage, lors de leur retour au printemps, vont préférer fréquenter les lacs et bassins de rejets, car ces derniers ne sont pas gelés. En effet, les eaux usées chaudes qui sont déversées dans les bassins et augmentent la température de ces derniers, qui ne gèleront pas, contrairement aux lacs vierges. Les oiseaux se retrouvent donc en danger, car ils peuvent ingérer du bitume présent dans l'eau, ou encore leur plumage peut se retrouver couvert de bitume. Au cours des dernières années, cette situation est devenue un véritable problème en Alberta. La majorité des lacs et bassins se trouvent dans la voie de migration de plusieurs oiseaux aquatiques et d'oiseaux de rivages. Certaines compagnies minières ont installé des "canons de dissuasion" autour des lacs et bassins, mais ce n'est qu'une solution temporaire au problème.

Si vous tenez à faire votre part, un site web a été créer afin d'informer la population du projet Trailbreaker et permettre aux intéressés d'envoyer facilement un courriel aux députés/chefs de partis du Québec. Si vous avez une minute, jetez-y un coup d'oeil et signez la pétition en ligne.

Aussi, l'Institut Pembina a mis sur pied un site web très détaillé sur l'exploitation des sables bitumineux et leur impact environnemental. Si vous souhaitez en apprendre plus à ce sujet, je vous conseille fortement d'y jeter un coup d'oeil.

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